« Au Togo, la majorité des produits frais transformés sont importés. »

, par  Valentin Prelat (communication USP)

Sensibiliser les Togolais aux bienfaits de la consommation locale, c’est ce que fait l’organisation pour l’alimentation et le développement local (OADEL) depuis plus de 10 ans. Développer l’agriculture locale et la transformation des produits comme la farine, c’est le but de cette ONG partenaire du Festival ALIMENTERRE au Togo.
Ami de longue date de Recidev, c’est donc tout naturellement que Tata Yawo Ametoenyenou, a participé à l’Université d’été des mouvements sociaux et de la solidarité internationale.
Invité au module consacré aux alternatives organisé par Une Seule Planète, le président de l’OADEL a partagé son expérience avec les participants.
L’occasion d’échanger sur les notions de développement et d’innovation souvent critiquées dans la solidarité internationale.

Pourquoi vous êtes-vous intéressés aux produits locaux ?

A Lomé lorsque l’on va faire ses courses sur le marché, on trouve toujours les fruits et légumes de la région mais pour ce qui est des produits transformés, la plupart d’entre eux viennent de l’importation. On remarque que les habitudes des consommateurs ont changé. Ils vont consommer davantage des produits d’imports car, fabriqués par de grandes multinationales, leur coût est beaucoup plus faible, et du fait du packaging et de la publicité, ces produits sont beaucoup plus attrayants.

Quelles sont les conséquence de ce changement de consommation ?

Il y a trois conséquences :

 Alors que 70% des togolais sont paysans, désormais la majorité des produits transformés achetés sont fabriqués à l’étranger.
 Il y a donc une paupérisation de la population et une fuite des capitaux.
 Enfin, en terme de santé publique, il y a de plus en plus de maladies comme le cancer, le diabète ou l’obésité.
C’est face à ce constat que nous avons voulu créer l’OADEL.

Tata Yawo Ametoenyenou lors de l’Université d’été des mouvements sociaux et de la solidarité internationale

Quelle a été la réponse de l’OADEL ?

Le but premier de notre association, ça a été de faire de l’éducation des consommateurs pour qu’ils changent leurs habitudes alimentaires. On collabore par exemple chaque année avec le festival ALIMENTERRE et on a créé le premier livre de gastronomie togolaise pour que les gens réapprennent à cuisiner les produits du pays.
Mais une fois le travail de sensibilisation, d’information et d’éducation fait, une autre question s’est posée : que peut-on faire pour que les choses changent ?

C’est là le deuxième temps de notre action. On travaille avec les unités agro-alimentaires de transformation de type familiale pour les aider à fabriquer des produits à même d’être consommés. Pour vous donner un exemple, cela peut être un moulin ou un atelier de mise en conserve de tomates. Nous apportons du conseil technique mais aussi des conseils sur les règles d’hygiène à respecter pour être conforme aux normes de la filière. Ce qui nous tue, c’est la fierté que nous n’avons pas envers nos propres produits !

Où peut-on acheter ces produits ?

On a créé une boutique la Bobar à Lomé, qui nous permet de distribuer ces produits. On a entre 300 et 400 produits dans notre boutique. Nous n’avons pas encore de label mais nos produits sont reconnaissables car ce ne sont pas les mêmes packagings que les produits d’imports.

Comment faites-vous pour faire acheter plus cher au consommateur togolais qui ne dispose pas d’un pouvoir d’achat conséquent ?

C’est le discours qui permet de faire acheter plus cher au consommateur. Par exemple en invitant des docteurs qui font les liens entre l’alimentation et les nombreux cas de cancers, les gens prennent conscience que ces produits ne sont pas bons pour la santé.

Par rapport au fonctionnement traditionnel de la société togolaise, peut-on dire que votre démarche est innovante ?

Dans les années 60, on consommait finalement peu de produits transformés, et la transformation se faisait souvent de manière familiale.
Nous, au sein de notre structure, on promeut la transformation de manière plus organisée et mécanique car c’est cela qui crée de la valeur ajoutée.
A l’inverse, lorsque je fais de la transformation au sein du ménage, je ne crée pas de valeur ajoutée car je produis en toute petite quantité. La farine au sein d’une unité de transformation agro-alimentaire, prend de la valeur.

Vous ne trouvez pas que la mécanisation de l’agriculture et de la transformation a montré de nombreuses limites ?

Le contexte économique est très différent au Togo. Nous devons nous servir de l’agriculture pour créer de la richesse. Nous avons besoin de la transformation pour faire de la valeur ajoutée. On valorise donc des innovations techniques mais la première de nos innovations, c’est l’innovation sociale à travers notre travail de sensibilisation et d’éducation.
En France c’est différent, vous avez un système de santé, des services publics, des infrastructures et votre modèle agricole a montré ses limites…
Mais nous n’avons pas les mêmes problématiques.

Votre pratique ne vous semble-t-elle pas minoritaire par rapport au développement de l’agriculture intensive et des importations ?

Moi je suis confiant, en dix ans d’existence, nos actions se sont considérablement développées, les gens sont de plus en plus sensibilisés aux bienfaits de la production locale.

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